Quand un enfant tombe et pleure, de nombreux parents réagissent instinctivement en disant « Tout va bien ». Cette phrase, utilisée avec les meilleures intentions, pourrait pourtant avoir des effets néfastes sur le développement émotionnel des enfants. Reem Raouda, coach en parentalité reconnue, met en garde contre cette expression apparemment inoffensive dans un article publié le 26 avril 2025.
L’impact caché des paroles parentales sur le développement émotionnel
Les mots que nous choisissons comme parents façonnent la manière dont nos enfants perçoivent leurs émotions. Selon Reem Raouda, qui a travaillé avec plus de 200 enfants, certaines phrases couramment utilisées peuvent avoir des conséquences insoupçonnées. « Cette expression bien intentionnée cause des dommages à long terme dont la plupart des parents ne se rendent pas compte », affirme-t-elle.
Lorsqu’un parent dit « Tout va bien » à un enfant clairement bouleversé, cela crée un décalage entre ce que l’enfant ressent et ce que l’adulte lui communique. Ce conflit interne peut amener l’enfant à douter de ses propres perceptions émotionnelles. L’enfant apprend alors à ignorer ses ressentis plutôt qu’à les reconnaître et les gérer sainement.
La spécialiste en parentalité souligne que cette attitude parentale, bien qu’involontaire, peut empêcher les enfants de développer une intelligence émotionnelle solide. Les conséquences peuvent se manifester plus tard dans leur vie sous forme de difficultés à identifier leurs émotions ou à établir des relations saines.
Des recherches en psychologie du développement montrent que la validation émotionnelle joue un rôle crucial dans la construction de l’estime de soi. Un enfant dont les émotions sont systématiquement minimisées pourrait intégrer qu’il n’est pas normal de ressentir certaines émotions négatives, créant ainsi un terrain fertile pour des problèmes psychologiques futurs.
Pourquoi cette phrase courante entrave le processus émotionnel naturel
Lorsqu’un enfant vit une expérience douloureuse, son corps et son cerveau activent un processus naturel de traitement émotionnel. Les pleurs, la colère ou la peur sont des manifestations normales et nécessaires à ce processus. Reem Raouda explique que dire « Tout va bien » interrompt ce mécanisme essentiel.
« Les émotions sont censées circuler dans le corps. En interrompant ce processus naturel par des réconforts prématurés, nous privons les enfants de la capacité d’identifier, de nommer et de réguler leurs émotions », précise l’experte dans l’article de CNBC.
Cette interruption du flux émotionnel peut conduire l’enfant à développer des stratégies d’évitement plutôt que de résilience face aux difficultés. Au lieu d’apprendre à traverser les émotions désagréables, l’enfant cherchera à les fuir, limitant ainsi sa capacité à gérer les défis émotionnels futurs.
Les neurosciences confirment aujourd’hui l’importance de laisser s’exprimer les émotions. Le cerveau d’un enfant se développe principalement à travers les interactions avec ses proches. Les messages reçus durant ces moments émotionnellement chargés façonnent littéralement les circuits neuronaux liés à la gestion émotionnelle.
Des alternatives bienveillantes pour valider les émotions enfantines
Face à un enfant en détresse, les parents disposent heureusement d’alternatives plus constructives que le simple « Tout va bien ». Reem Raouda recommande plusieurs approches qui respectent le ressenti de l’enfant tout en lui offrant le soutien dont il a besoin.
La phrase « Je te crois » constitue une puissante validation des émotions enfantines. Elle reconnaît la légitimité de ce que ressent l’enfant sans chercher à minimiser son expérience. Cette simple reconnaissance peut aider l’enfant à se sentir compris et respecté dans son vécu émotionnel.
« Je suis là avec toi » communique à l’enfant qu’il n’est pas seul face à ses émotions difficiles. Cette présence rassurante crée un espace sécurisant où l’enfant peut étudier et exprimer ce qu’il ressent, sans crainte d’être jugé ou rejeté pour ses émotions.
L’expression « Tu n’es pas obligé d’aller bien tout de suite » donne à l’enfant la permission de prendre le temps nécessaire pour traiter ses émotions. Elle envoie le message que les émotions négatives ne sont pas des ennemies à combattre mais des expériences à traverser à son rythme.
« Ces phrases font plus que calmer. Elles renforcent. Elles apprennent à votre enfant que ses émotions comptent », souligne Reem Raouda. La spécialiste rappelle en revanche que ces nouvelles habitudes de communication demandent de la pratique et de la patience, tant pour les parents que pour les enfants.
Vers une parentalité plus consciente des enjeux émotionnels
Adopter une communication plus respectueuse des émotions enfantines s’inscrit dans une démarche plus large de parentalité consciente. Cette approche invite les parents à observer leurs propres schémas de réaction et à faire des choix plus éclairés dans leurs interactions avec leurs enfants.
Reem Raouda définit la parentalité consciente comme la capacité à « prendre conscience de nos schémas et choisir, à chaque instant, de réagir de manière à renforcer la sécurité émotionnelle plutôt qu’à la compromettre ». Cette pratique demande aux parents de développer leur propre intelligence émotionnelle pour mieux accompagner celle de leurs enfants.
Les experts en développement infantile s’accordent aujourd’hui sur l’importance cruciale de l’accompagnement émotionnel dans la construction d’une personnalité équilibrée. Les enfants qui grandissent dans un environnement où leurs émotions sont validées développent généralement une meilleure estime d’eux-mêmes et des relations plus saines.
La remise en question de phrases aussi anodines que « Tout va bien » nous rappelle que la parentalité est un apprentissage constant. Chaque interaction offre une opportunité de renforcer le lien parent-enfant et de contribuer au développement harmonieux des adultes de demain.
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