Les experts en développement de l’enfant remettent en question une pratique éducative pourtant bien ancrée dans notre société : obliger les enfants à partager systématiquement leurs jouets. Cette approche, longtemps considérée comme favorisant l’altruisme, pourrait en réalité avoir des conséquences négatives sur le développement émotionnel des plus jeunes. Deux psychologues reconnues, animatrices du compte Instagram Big Little Feelings suivi par plus de 3,5 millions de personnes, expliquent pourquoi il est temps de reconsidérer cette injonction au partage systématique.
Les effets inattendus du partage forcé sur le développement psychologique
D’après les spécialistes de Big Little Feelings, forcer un enfant à partager dans toutes les situations peut avoir des répercussions importantes sur sa construction identitaire. « Forcer les enfants à partager, peu importe les circonstances, leur apprend à réprimer leurs propres besoins », affirment-elles dans leur publication du 10 mai 2025. Cette habitude risque de façonner des adultes qui privilégient systématiquement les désirs des autres au détriment des leurs.
Cette dynamique crée ce que les psychologues appellent des « personnes qui cherchent à plaire aux autres ». Ces individus peinent à établir des limites saines dans leurs relations sociales et professionnelles. Ils éprouvent souvent des difficultés à exprimer leurs besoins légitimes par crainte de déplaire ou de provoquer un conflit.
Les thérapeutes soulignent qu’il existe une différence fondamentale entre éduquer des enfants bienveillants et former des jeunes qui ignorent systématiquement leurs propres besoins. L’équilibre entre générosité et affirmation de soi constitue un apprentissage essentiel pour le développement harmonieux de la personnalité.
Les spécialistes de l’enfance mettent en garde contre cette tendance éducative qui, bien qu’animée de bonnes intentions, peut fragiliser l’estime de soi des plus jeunes. Les enfants doivent apprendre à reconnaître et respecter leurs propres limites tout en développant leur empathie.
Comment cette habitude influence nos comportements adultes
Pour illustrer l’impact à long terme du partage forcé, les psychologues proposent un exemple évocateur de la vie quotidienne. Elles décrivent une situation familière : « As-tu déjà été à la salle de sport, pris une pause rapide pour reprendre ton souffle, et quelqu’un vient te demander s’il peut utiliser ta machine ? Tu n’as pas fini. Tu avais prévu de faire encore 20 minutes. Mais instinctivement tu dis : ‘Oui ! J’ai terminé. Vas-y’. »
Cette réaction automatique de céder face à la demande d’autrui, même lorsqu’elle va à l’encontre de nos propres besoins, trouve ses racines dans l’éducation reçue durant l’enfance. Les adultes qui ont systématiquement été contraints de partager développent souvent des comportements d’abnégation excessive et peinent à défendre leurs intérêts légitimes.
Les conséquences de cette éducation au partage forcé se manifestent dans différentes sphères de la vie adulte. Relations amicales, amoureuses ou professionnelles – les personnes conditionnées à toujours céder risquent de s’effacer au profit des autres. Cette dynamique peut engendrer frustrations, ressentiments et épuisement émotionnel.
Les spécialistes soutiennent que l’apprentissage de l’expression de ses limites représente une compétence sociale aussi importante que celle du partage. « Aussi important qu’apprendre à partager, c’est apprendre à dire : ‘Non, je n’ai pas fini avec ça' », précisent-elles dans leur publication virale.
Approches alternatives pour enseigner le partage équilibré
Les deux psychologues derrière Big Little Feelings ne découragent pas le partage en soi, mais proposent une approche plus nuancée et respectueuse du développement émotionnel de l’enfant. Elles recommandent d’accompagner les jeunes dans l’apprentissage d’un partage volontaire plutôt qu’imposé, favorisant ainsi une générosité authentique.
Dans la légende de leur publication, les expertes suggèrent plusieurs phrases que les parents peuvent utiliser lorsque leur enfant refuse de prêter un jouet. « Tu n’as pas à abandonner ton jouet maintenant mais dis-lui quand tu seras prêt à lui prêter » constitue une alternative respectueuse qui reconnaît les besoins de l’enfant tout en l’encourageant à considérer ceux des autres.
Une autre formulation proposée, « Quand tu auras fini de jouer avec ce jouet, tu lui prêteras », aide l’enfant à comprendre que le partage n’implique pas nécessairement un sacrifice immédiat. Cette approche lui permet d’intégrer naturellement les notions de tour de rôle et de considération d’autrui, sans pour autant nier ses propres désirs.
Cette méthode éducative vise à développer une générosité authentique plutôt qu’une obéissance aveugle. En respectant le rythme et les besoins de l’enfant, les parents l’aident à construire une relation saine au partage. Ils lui enseignent simultanément l’importance de reconnaître ses propres limites et de respecter celles des autres.
Les spécialistes insistent sur l’importance d’un équilibre entre l’apprentissage de la générosité et celui de l’affirmation de soi. Cette approche nuancée prépare les enfants à devenir des adultes capables de naviguer sereinement dans leurs relations sociales, en conjuguant bienveillance et respect de leurs propres besoins.
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